Encore et toujours laissés de côté

Dans sa coopération au développement et son aide humanitaire, la Suisse continue à n’accorder que peu d’attention aux personnes en situation de handicap. C’est ce qui ressort d’une analyse indépendante qui a été réalisée par Polly Meeks, experte en inclusion, sur mandat de CBM. Mirjam Gasser, responsable Advocacy de CBM Suisse, explique ici le chemin vers l’inclusion que la Suisse doit encore parcourir.

Dans quel domaine la Suisse tientelle trop peu compte des personnes en situation de handicap?

Les projets de la Direction pour le développement et la coopération (DDC) ne sont pas obligés de tenir compte des personnes en situation de handicap. Leur inclusion n’est donc pas planifiée dans de nombreux projets. Alors même que ce serait essentiel : il est incontestable que ces presque un milliard de personnes doivent être intégrées quand il s’agit de relever des défis mondiaux comme la pauvreté. L’expérience le montre : quand leur inclusion n’est pas obligatoire, elles sont laissées de côté. Car elles sont moins visibles que d’autres groupes de population et, par conséquent, souvent ignorées.

Que faudrait-il améliorer ?

Les organisations d’autoreprésentation de personnes en situation de handicap doivent être impliquées par la DDC dans l’élaboration, la mise en oeuvre et le contrôle de projets et de stratégies. La DDC devrait édicter une directive pour  garantir que l’inclusion soit prise en compte et appliquée. Cela signifie qu’elle engage ou mandate du personnel qui s’occupe à plein temps et avec compétence de l’inclusion des personnes en situation de handicap. Par ailleurs, on sait encore trop peu si les personnes en situation de handicap bénéficient de manière appropriée des projets de la DDC. Raison pour laquelle la DDC doit améliorer ses données à ce sujet. Pour éviter que sa coopération au développement et son aide humanitaire contreviennent à la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, elle doit mettre en place des mécanismes de contrôle appropriés.

La Suisse est-elle sur le bon chemin ?

La Suisse a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2014 et elle soutient l’Agenda 2030 pour le développement durable avec son principe directeur ‘Ne laisser personne Encore et toujours laissés de côté de côté’. Les objectifs de l’Agenda ne peuvent cependant pas être atteints sans inclure les personnes en situation de handicap, et il reste à peine neuf ans jusqu’en 2030. Les pays comme la Grande-Bretagne ou l’Australie sont nettement plus avancés que la Suisse en matière d’inclusion des personnes en situation de handicap dans la coopération internationale.

Quels sont les principaux obstacles ?

La Suisse investit depuis des années de manière plutôt réservée dans la coopération au développement, à peine 0,48 pour cent du revenu national brut en 2020. Alors que pour des économies nationales fortes, l’ONU exige depuis cinquante ans 0,7 pour cent. Par ailleurs, on n’accorde souvent aux personnes en situation de handicap en Suisse qu’une place en marge de la société. Elles sont généralement prises en charge dans des institutions séparées, comme des foyers d’éducation spécialisée ou des ateliers protégés. Elles deviennent ainsi quasi invisibles aux yeux du grand public, ce qui fait perdurer l’image fausse et surannée de personnes vulnérables et dépendantes. Les autorités fédérales et le Parlement, représentant le peuple, font parfois état de cette vision unilatérale. Les expériences faites dans d’autres pays montrent que l’inclusion a elle aussi besoin d’un engagement qui vient de tout en haut, par exemple du Conseil fédéral.

Quelles sont les perspectives ?

Adoptée en 2006, la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) indique clairement la voie à suivre en matière d’inclusion. En mars 2022, la Suisse sera examinée une première fois par le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU sur la mise en oeuvre de la Convention et recevra sans doute aussi des recommandations concernant sa coopération internationale. La Suisse devrait désormais appliquer systématiquement le principe de l’inclusion. CBM Suisse apporte son soutien à la DDC par des conseils, des workshops et du matériel. Au milieu de l’année 2021, le Swiss Disability and Development Consortium (SDDC), dont CBM Suisse est membre, a présenté à la DDC un calendrier avec des mesures de mise en oeuvre de la CDPH dans le cadre de la coopération internationale.

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